En 1974, Françoise D’Eaubonne publiait Le féminisme ou la mort, et permettait avec
cet ouvrage de conceptualiser l’écoféminisme en France. Les années 1970 ancrent la
seconde vague féministe, qui a pour revendication majeure le droit de disposer de son corps
pour les femmes, notamment avec le droit à l’avortement et l’accès à la contraception dans
le monde entier.
Dans le même temps, les théoriciennes féministes commencent à écrire et réfléchir aux
liens entre capitalisme, écologie et féminisme, ce qui donne lieu à l’écoféminisme.
En effet, l’idée principale de l’écoféminisme est de mettre en lumière la manière dont l’être
humain s’est approprié les ressources naturelles de la planète de la même façon que les
hommes se sont appropriés la ressource reproductive des femmes. L’objectif n’est pas de
revendiquer un matriarcat mais bien de redistribuer les cartes entre l’être humain et son
environnement, pour préserver l’environnement et proposer une nouvelle société plus
horizontale.
Un historique francophone du mot écoféminisme
Si le terme est attribué à Françoise d’Eaubonne, des femmes en Amérique, en Asie et en
Afrique s’élèvent depuis les années 1960. D’ailleurs, on peut dire que le mouvement n’a pas
vraiment pris en francophonie, potentiellement à cause d’une vive critique de la part des
féministes matérialistes de l’époque.
En effet, la pensée écoféministe arrive en France alors que les théoriciennes, comme
Christine Delphy ou Monique Wittig, qui ont fondé le Mouvement de Libération des Femmes
en 1970, sont plutôt attelées à démanteler l’ancrage biologique des genres, ancrage qui a
participé à asseoir la domination masculine, notamment avec l’assignation à la maternité.
L’écoféminisme, à l’inverse, propose de tisser un lien entre exploitation des femmes et
exploitation de la nature, et peut contribuer, malgré lui, à perpétuer la dichotomie nature /
culture, qui a justifié l’infériorité des femmes. Il postule ainsi que les femmes étant exploitées
par leur corps, elles sont plus concernées par l’exploitation de la nature, faisant elles-mêmes
partie de cette nature.
Toutefois, il semblerait que l’écoféminisme ait trouvé un second souffle depuis les années
2010 en Occident, notamment avec la traduction d’ouvrages de Starhawk sur le sujet, une
des figures de proue étasuniennes sur le sujet.

L’écoféminisme en actes
En Inde, le mouvement Chipko se bat depuis 1973 contre l’exploitation commerciale des
forêts. Il a été créé par un groupe de femmes qui s’attachent aux arbres près de leurs
villages, afin de préserver des forêts destinées à la déforestation.
En 1977, Wangari Muta Maathai fonde le Green belt movement au Kenya. Il s’agit d’une
association de femmes kényanes qui ont pour objectif de planter des arbres autour de leurs
villages afin de stopper la déforestation et ainsi de contrer le réchauffement climatique.
En Amérique latine, il n’est pas rare de lire dans les manifestations féministes des pancartes
où il est inscrit “Ni la tierra ni las mujeres somos territorio de conquista” (« Ni la terre ni les
femmes ne sont un territoire de conquête »). Le continent s’érige en effet en pionnier des
luttes féministes et d’autodétermination des peuples, étant donné que les guerres de
territoires sont légions dans de nombreux pays de la région.
Vous l’aurez compris, si l’écoféminisme est un concept créé en Occident, il existe en actions
politiques militantes depuis des décennies, partout dans le monde. D’ailleurs, une des
critiques adressées aux théoriciennes occidentales est justement l’appropriation d’actes
militants avec une prépondérance blanche, alors que le cœur de l’écoféminisme est l’action,
le terrain, et non pas la théorie.
Comme nous l’évoquions plus tôt, les actions menées par les femmes dans les pays dit des
Suds sont des actions vitales, pour préserver la biodiversité et l’équilibre de leur région.
Capitalisme, écologie et féminisme
Selon l’ONU, le réchauffement climatique a un impact différent en fonction du genre. En
effet, les femmes souffrent plus des conséquences du dérèglement climatique, car 70% des
personnes vivant sous le seuil de pauvreté dans le monde sont des femmes. De plus, “alors
que les femmes jouent un rôle clé dans la production alimentaire mondiale (50 à 80%), elles
détiennent moins de 10% des terres”, explique encore l’ONU.
Aujourd’hui, les luttes écoféministes perdurent, et permettent de mettre en lien l’urgence
climatique et l’exploitation des personnes minorisées. C’est notamment le cas des actions et
manifestations menées en ce moment en Afrique subsaharienne contre le projet EACOP, un
projet de gazoduc mené par l’entreprise française TotalEnergie, allant de la Tanzanie à
l’Ouganda, détruisant sur son passage des zones fertiles et villages entiers.
Pour aller plus loin, quelques livres sur l’écoféminisme :
● L’écoféminisme ou la mort, Françoise D’Eaubonne, 1974
● Écoféminisme, Vandana Shiva et Maria Mies, 1993
● Rêver l’obscur, Starhawk, 2015
● Reclaim, Emilie Hache, 2016
● L’article Ni les femmes ni la terre, Marine Allard, Lucie Assemat, Coline Dhaussy,
2017
● Etre écoféminisme, Jeanne Burgart-Goutal, 2020
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